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 #60658  par LeChe
 
buckhulk a écrit : 23 sept. 2017, 16:13 Comment fait-on quand on boit plus ???

Il ne faut pas surtout pas s'arrêter , car comme disait mon ami Baudelaire :mrgreen:



Il faut être toujours ivre, tout est là ; c'est l'unique question. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.

Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu à votre guise, mais enivrez-vous!

Et si quelquefois, sur les marches d'un palais, sur l'herbe verte d'un fossé, vous vous réveillez, l'ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l'étoile, à l'oiseau, à l'horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l'étoile, l'oiseau, l'horloge, vous répondront, il est l'heure de s'enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.
 #60734  par LeChe
 
Pour compléter le post précédent ;)



Ivrogne, c’est un mot qui nous vient de province
Et qui ne veut rien dire à Tulle ou Châteauroux,
Mais au coeur de Paris je connais quelques princes
Qui sont selon les heures, archange ou loup-garou
L’ivresse n’est jamais qu’un bonheur de rencontre,
Ça dure une heure ou deux, ça vaut ce que ça vaut,
Qu’il soit minuit passé ou cinq heure à ma montre,
Je ne sais plus monter que sur mes grands chevaux.

Ivrogne, ça veut dire un peu de ma jeunesse,
Un peu de mes trente ans pour une île aux trésors,
Et c’est entre Pigalle et la rue des Abesses
Que je ressuscitais quand j’étais ivre-mort…
J’avais dans le regard des feux inexplicables
Et je disais des mots cent fois plus grands que moi,
Je pouvais bien finir ma soirée sous la table,
Ce naufrage, après tout, ne concernait que moi.

Ivrogne, c’est un mot que ni les dictionnaires
Ni les intellectuels, ni les gens du gratin
Ne comprendront jamais… C’est un mot de misère
Qui ressemble à de l’or à cinq heure du matin.
Ivrogne… et pourquoi pas ? Je connais cent fois pire,
Ceux qui ne boivent pas, qui baisent par hasard,
Qui sont moches en troupeau et qui n’ont rien à dire.
Venez boire avec moi… On s’ennuiera plus tard.

Bernard Dimey
 #60825  par LeChe
 
Hello

A méditer pour les Quarantenaires ;)

Quarante ans, quarante ans, mais c’est le bout du monde !
Je me suis dit cela, c’était à peine hier,
Et voilà qu’aujourd’hui c’est question de secondes…
Quarante ans, pas déjà… Sinon à quoi ça sert
D’avoir eu dix-huit ans, des cerises à l’oreille
Et des fleurs aux cheveux, d’avoir tout espéré ?
L’amour à lui tout seul était une merveille,
Et puis le temps passait, dont je n’ai rien gardé.

Quarante ans, quarante ans, c’est presque ridicule…
Je n’ai rien fait du tout, sinon quelques erreurs.
L’innocent que j’étais, je le vois qui recule.
Il peut bien s’en aller, je le connais par coeur,
Je le connais déjà depuis quarante années,
De face et de profil, en noir et en couleur,
Et ses anges gardiens, et ses âmes damnées,
Je sais ce qui l’enchante et qui lui fait peur…



Quarante ans, quarante ans, non ce n’est pas possible,
Pas aujourd’hui, demain, une semaine ou deux…
Hier on me traitait encore d’enfant terrible !
Comment aurais-je fait pour être déjà vieux ?
Quarante ans, oui, déjà… C’est beaucoup pour mon âge.
Pauvre petit jeune homme, on a des cheveux gris,
On est un peu morose, on va devenir sage,
On n’a pas fait grand chose et l’on n’a rien compris…

À quarante ans passés, la jeunesse commence,
Je vais me répéter ces mots-là tous les jours,
Je vais déambuler en pleine adolescence,
Perdre mes illusions, réinventer l’amour…
Quarante ans, quarante ans, c’est l’âge du bonheur,
Pour l’homme que je suis, c’est l’âge des victoires,
Et j’ai tout ce qu’il faut pour faire un beau vainqueur,
Mais… déjà quarante ans, je n’ose pas y croire


Bernard Dimey
 #60832  par LeChe
 
Hello

pour te rassurer

"Passé soixante ans, quand on se réveille sans avoir mal quelque part, c'est qu'on est mort" :mrgreen:
 #60880  par LeChe
 
Un très beau texte de Bernard Pivot

Vieillir, c’est chiant. J’aurais pu dire: vieillir, c’est désolant, c’est insupportable, c’est douloureux, c’est horrible, c’est déprimant, c’est mortel. Mais j’ai préféré « chiant » parce que c’est un adjectif vigoureux qui ne fait pas triste. Vieillir, c’est chiant parce qu’on ne sait pas quand ça a commencé et l’on sait encore moins quand ça finira. Non, ce n’est pas vrai qu’on vieillit dès notre naissance.

On a été longtemps si frais, si jeune, si appétissant. On était bien dans sa peau. On se sentait conquérant, invulnérable. La vie devant soi. Même à cinquante ans, c’était encore très bien. Même à soixante. Si, si, je vous assure, j’étais encore plein de muscles, de projets, de désirs, de flamme.

Je le suis toujours, mais voilà, entre-temps j’ai vu dans le regard des jeunes, des hommes et des femmes dans la force de l’âge qu’ils ne me considéraient plus comme un des leurs, même apparenté, même à la marge.

J’ai lu dans leurs yeux qu’ils n’auraient plus jamais d’indulgence à mon égard. Qu’ils seraient polis, déférents, louangeurs, mais impitoyables. Sans m’en rendre compte, j’étais entré dans l’apartheid de l’âge. Le plus terrible est venu des dédicaces des écrivains, surtout des débutants. « Avec respect », « En hommage respectueux », Avec mes sentiments très respectueux. Les salauds ! Ils croyaient probablement me faire plaisir en décapuchonnant leur stylo plein de respect? Les cons ! Et du « cher Monsieur Pivot » long et solennel comme une citation à l’ordre des Arts et Lettres qui vous fiche dix ans de plus !

Un jour, dans le métro, c’était la première fois, une jeune fille s’est levée pour me donner sa place. J’ai failli la gifler. Puis la priant de se rasseoir, je lui ai demandé si je faisais vraiment vieux, si je lui étais apparu fatigué. « Non, non, pas du tout, a-t-elle répondu, embarrassée. J’ai pensé que… »

Moi aussitôt : «Vous pensiez que…?

– Je pensais, je ne sais pas, je ne sais plus, que ça vous ferait plaisir de vous asseoir. Parce que j’ai les cheveux blancs? Non, c’est pas ça, je vous ai vu debout et comme vous êtes plus âgé que moi, ça été un réflexe, je me suis levée…

– Je parais beaucoup, beaucoup plus âgé que vous? Non, oui, enfin un peu, mais ce n’est pas une question d’âge…

–Une question de quoi, alors ? Je ne sais pas, une question de politesse, enfin je crois…» J’ai arrêté de la taquiner, je l’ai remerciée de son geste généreux et l’ai accompagnée à la station où elle descendait pour lui offrir un verre.

Lutter contre le vieillissement c’est, dans la mesure du possible, ne renoncer à rien.

Ni au travail, ni aux voyages, ni aux spectacles, ni aux livres, ni à la gourmandise, ni à l’amour, ni à la sexualité, ni au rêve.

Rêver, c’est se souvenir, tant qu’à faire, des heures exquises. C’est penser aux jolis rendez-vous qui nous attendent. C’est laisser son esprit vagabonder entre le désir et l’utopie. La musique est un puissant excitant du rêve. La musique est une drogue douce. J’aimerais mourir, rêveur, dans un fauteuil en écoutant soit l’adagio du Concerto n° 23 en “la-majeur“ de Mozart, soit, du même, l’andante de son Concerto n° 21 en “ut-majeur“, musiques au bout desquelles se révéleront à mes yeux pas même étonnés les paysages sublimes de l’au-delà.

Mais Mozart et moi ne sommes pas pressés. Nous allons prendre notre temps. Avec l’âge le temps passe, soit trop vite, soit trop lentement. Nous ignorons à combien se monte encore notre capital. En années ? En mois ? En jours ?… Non, il ne faut pas considérer le temps qui nous reste comme un capital. Mais comme un usufruit dont, tant que nous en sommes capables, il faut jouir sans modération.

Après nous, le déluge ?…Non,
 #60885  par buckhulk
 
Bonjour,

Un grand merci Le Che, cette lettre est vraiment belle et me redonne un peu de joie pour aujourd'hui (demain je l'aurais surement oubliée....)

:mrgreen:
 #60890  par LeChe
 
buckhulk a écrit : 26 sept. 2017, 09:50
Un grand merci Le Che, cette lettre est vraiment belle et me redonne un peu de joie pour aujourd'hui


Alors tu apprécieras certainement cet autre texte d' Alexandre Vialatte ( 1901/1971) sur le même thème:

" Vingt fois j’ai voulu dire adieu à ma jeunesse. Vingt fois j’ai craint de me montrer ridicule. C’était trop tôt. La fois suivante, elle était partie. On ne saurait dire adieu trop vite à sa jeunesse. Elle s’en va sur la pointe des pieds.

L’homme entre dans le soir de sa vie comme dans un pays étranger. Les gares sont plus petites et plus rares. Les voyageurs deviennent moins nombreux. Ils ont changé de costume. On ne voit plus de bérets basques. Les quais sont de plus en plus déserts. Les affiches, dans les salles d‘attente, ne parlent plus des mêmes montagnes. Et sou­dain, au bout d’un tunnel, l’horizon lui-même a changé. Quels sont ces longs pays bleuâtres ? Des plaines s’éten­dent, qu‘on n‘avait jamais vues ; transfigurées par on ne sait quel reflet. Plus loin, au loin (mais à quelle distance exactement ? les distances trompent), plus loin, c‘est la terre de la mort.

Si l’on descend dans quelque ville, elle est paisible, provinciale, et pour ainsi dire tourangelle. On en aime la lenteur et la sérénité, le ciel vert (je ne sais comment dire), les parterres du jardin public. On ne savait pas qu‘on n’aimait plus que les fleurs.

La nuit tombe et, sur les étoiles, on voit se détacher un bicorne. Il coiffe quelque amiral de marbre ou quelque académicien de bronze. On cherche le nom : c’est le petit D., qui ne savait pas la géographie, ou le petit L…, qu‘on battait en grammaire. L‘amiral avait peur de l’eau, l’académicien solennel était sergent au 3° zoua­ves. Le premier de la classe est devenu comptable, le timide fut martyr dans l’Oubangui, le dernier a son por­trait dans tous les magazines : on cite ses traits, on admire ses pièces. Le sportif s’est fait pharmacien, l’Au­vergnat dirige trois brasseries. Les autres sont morts. Une large rue mal éclairée, où l’on distingue dans une vitrine des hommes blafards habillés en chasseurs, porte le nom d’un grand graveur dont on fréquentait la maison ; on garde encore dans un tiroir sa pipe, sa rosette, son monocle. On se rappelle des fêtes sur la Marne, des charmilles, des drapeaux, des barques, des enfants. C’est à pleurer. Plus loin, une inscription gravée rappelle le nom d’un écolier qui se fit tuer dans la Résistance. On le revoit, à l’étude du soir, par une fenêtre du collège, devant un gros dictionnaire latin.

D’où sortent toutes ces choses ? D’un film ? De la mémoire ? On erre dans son présent comme dans un vieux musée. On s‘égare. Sur une petite place où clignote la lumière d’un restaurant jaunâtre, une statue (encore !) s’élève sous les tilleuls, qu’on discerne mal dans cette ombre. On l’éclaire avec une lampe torche. On retrouve le visage de son meilleur ami. Déjà…

Ils sont tous descendus pendant que le train était en marche. D’autres peuplent de longs cimetières. Un chat y passe, dans une allée, l‘après-midi.

Il faut reprendre le train du soir. Le pays est de plus en plus désert, les gares de plus en plus distantes. Et, un matin, les rails ayant changé de versant, on revoit, mais de si haut et de si loin, un bref instant, le pays de la vie, comme autrefois."
Modifié en dernier par LeChe le 14 avr. 2018, 08:50, modifié 1 fois.
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